GOCOOK PEAK 6050m
A cause des retours de mousson débordant constamment par le sud, la deuxième
partie de l’équipe trépigne aussi, au camp de base. Nous en avons profité pour faire
de nombreux repérages dans les vallées voisines et la constatation est qu’il y a
l’embarras du choix !
Repérages dans les vallées voisines |
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Mais pour cela il faut un créneau météo. Finalement, le vent
tourne à l’ouest le 16 dans la journée, ce qui est assez bon signe. Un contact est
établi avec le camp 1, qui décide de faire une tentative le 17. Le créneau semble
jouable et l’équipe du camp de base va faire de même sur un sommet repéré par
Yannick Flugi et Marc. Le départ est fixé à 3h du matin. Avec la pluie tombée les
jours précédents, nous aurons sûrement à compter avec une belle quantité de neige
fraiche à partir de 5000m. De plus, la pente qui permet d’accéder à l’arête Est
relativement raide. Les joies de la découverte pimenteront un peu plus cette
ascension qui nous motive tous. A notre équipe, composée des deux Yannick,
Sébastien et Marc, viendront s’ajouter Pekma et Gokul, notre cuisinier. Pekma a
plusieurs ascensions à son actif, dont l’Everest et le Pumori, Gokul quelques
sommets de trek. Deux paires de jambes d’acier en plus, surmontées chacune d’un
coeur d'or, ne seront pas de trop pour ouvrir la trace. De plus, Yannick F. a partagé
plusieurs expéditions et trekkings avec Pekma, et cela va de soi, s’il en a envie, qu’il
est le bienvenu sur cette future « première ».
Grésil et brouillard bas au réveil, rien de très engageant pour le départ, il faut y
croire. La nuit a dû néanmoins être claire, car les rochers le long de la rivière sont
verglacés. A mesure que nous progressons, la neige fait son apparition, ceci bien en
dessous des 5000m escomptés. Le glacier, contrairement à celui qui donne accès au
Red Apple Peak, n’est pas trop crevassé : le repérage a permis de l'observer. C'est
une bonne nouvelle, car nous pouvons progresser tout droit sur celui-ci.
Traversée de la moraines |
Longue progression sur le glacier |
La quantité de neige augmente constamment. Sur le glacier, ce sont 30cm de neige
fraîche mais déjà collante qui nous attendent. Cela rend la trace pénible et nous
oblige à faire de fréquents changements d’ouvreurs. Même nos amis népalais
trouvent cette montée harassante ! Le désavantage de ces contrées sauvages est le
manque de repères : aucune altitude n’est garantie et ce qui semble devoir prendre
une heure en prend souvent deux. La remontée du glacier nous prendra au final
quelque trois heures ! Avant la rimaye, Yannick C. nous abandonne, l’altitude a eu
raison de lui. Il ne se sent pas la force de continuer et préfère s’en retourner.
Au premier plan l'antécime visible du Gocook paek
Nous atteignons la rimaye. Le soleil est déjà bien haut, mais n’a pas encore eu le
temps de trop chauffer la pente qui se situe au-dessus de nous. La neige est encore
assez stable. 45-50° sur 100m environ, ce n’est pas excessif, mais avec la neige
fraiche ce n’est pas anodin non plus. Pekma se lance, suivi de Yannick F. droit
derrière dans la pente. Tels une machine à deux temps, ils tracent et avancent d’un
pas bien cadencé. Le temps de poser une broche afin de fixer la corde et la
progression des deux premiers de cordée continue. La sortie ne se fera pas au
sommet de la pente : trop de neige, il est préférable de sortir sur la gauche et de fixer
la corde au bas d’un éperon rocheux. Dans les Alpes, la question se poserait de la
fixer dans du terrain tel que celui-ci; ici, cela semble la manière la plus sûre, le risque
principal étant que la couche de neige tombée les jours précédents ne soit pas liée à
la glace sous-jacente. Remonter sur une corde fixée évitera en cas de problème
qu’une personne ne finisse dans la rimaye sous un paquet de neige. Une fois la
corde fixée, il s’ensuit une remontée au jumar, qui permet aux premiers de visualiser
la suite, pendant que les trois qui sont à la rimaye remontent jusqu’à lui.
Remontée sur la corde fixe |
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Le sommet s’atteint par une arête élégante, relativement large, qui pourrait se gravir
à ski (ils sont malheureusement sur l’autre sommet !). Le versant sud est constitué
de couloirs et de barres rocheuses, qui donnent accès à un immense bassin glaciaire
totalement inexploré. La donne est claire, il va falloir tracer et cela ne va pas aller en
s’améliorant. Le soleil monte rapidement, une nouvelle dont Yannick F. est peu
enchanté : la bonne nouvelle, il continue à faire beau, donc pas de souci question
météo ; en revanche, cela chauffe fort, il est 10h passées et le sommet est encore
loin. Certains passages semblent raides. Entre sécurité et audace, il faudra avancer.
Traverséé au dessus de la rimaye du Gocook
A la trace, chacun se relaie : tous les 100 pas environ. La progression est difficile.
Lorsque nous ne sommes pas sur des cailloux, la neige dépasse allègrement la
hauteur des genoux. Le passage-clé est une longueur à 40° qu’il nous faut traverser
avant la pente sommitale, la clé étant la quantité de neige accumulée au-dessus,
ainsi que le couloir de quelque 500m qui amène directement sur le glacier inférieur.
C’est un peu exposé de l’avis de Yannick F. Un par un, nous traversons cette pente
le plus rapidement possible. S’ensuit l’interminable pente sommitale, celle qui donne
toute sa saveur à une ascension. Sans elle, pas de sommet ; plus elle dure, meilleur
il sera !
Travail d'équipe pour tracer |
Yannick Flugi |
A notre grande surprise, le sommet est rocheux, alors que nous imaginions, depuis
le bas, un dôme neigeux. A l’Est, la face est verticale et tombe sur un autre glacier
aux possibilités infinies pour un alpiniste. L’arête se prolonge au NE sur un autre
sommet à l’altitude inférieure au nôtre. Nous sommes sauvés ! Il ne sera pas
nécessaire de le gravir, lui qui semblait plus élevé depuis le glacier.
Rocher égale cairn : nous en érigeons un et baptisons ce sommet GOCOOK Peak
en l’honneur de notre cuisinier, qui sera le dernier de notre équipe à y arriver
(comme à son habitude, il rayonne de son sourire immense).
Gokul qui arrive au sommet |
Cairn érigé au sommet du Cocook Peak |
Team au sommet du Goccok Peak
La descente se fait par le même itinéraire. La petite lanterne allumée à la montée par Yannick Flugi s’avérait
justifiée : à la descente, il est le dernier à emprunter le rappel, mais après 15m, la
pente se brise net devant lui. Le temps de faire un saut sur place afin de se dégager
les pieds et la plaque est en bas. 100m de large sur 40m de haut, pour une
épaisseur de 30cm, il était l’heure de rentrer…
il était l’heure de rentrer…